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« Méditation sur l’amour altruiste »
Pour méditer sur l’amour altruiste, il faut commencer par prendre conscience qu’au plus profond de nous-mêmes nous redoutons la souffrance et aspirons au bonheur. Cette étape est particulièrement importante pour ceux qui ont une image négative d’eux-mêmes ou ont beaucoup souffert, et qui estiment qu’ils ne sont pas faits pour être heureux. Engendrons une attitude chaleureuse, tolérante, et bienveillante envers nous-mêmes ; décidons que, dorénavant, nous ne nous voulons que du bien.
Une fois reconnue cette aspiration, nous devons ensuite admettre le fait qu’elle est partagée par tous les êtres. Reconnaissons notre humanité commune. Prenons conscience de notre interdépendance. La chemise que nous portons, le verre dans lequel nous buvons, la maison où nous habitons, tout cela n’est possible que grâce à l’activité d’innombrables autres. Le plus simple objet de notre vie quotidienne est comme imprégné de la présence d’autrui. Réfléchissons à l’origine de la feuille de papier blanc sur laquelle nous écrivons. D’après Greg Norris qui étudie le « cycle de vie » des produits manufacturés, au moins trente-cinq pays sont impliqués dans la fabricationd’une feuille de papier. Imaginons le bûcheron qui a coupé l’arbre, l’ouvrier dans son usine, le transporteur dans son camion, la boutiquière à son comptoir ; comme nous, ils ont une vie avec des joies et des souffrances, des parents et des amis. Tous partagent notre humanité ; aucun d’entre eux ne souhaite souffrir. Cette prise de conscience doit nous amener à nous sentir plus proches de tous ces êtres, à ressentir de l’empathie à leur égard, à être concernés par leur sort et à leur vouloir du bien.
Faisons d’abord porter notre méditation sur un être cher
Il est plus facile de commencer à nous entraîner à l’amour altruiste en pensant à quelqu’un qui nous est cher. Imaginons un jeune enfant qui s’approche de nous et nous regarde joyeux, confiant et plein d’innocence. Nous lui caressons la tête en le contemplant avec tendresse et le prenons dans nos bras, tandis que nous ressentons un amour et une bienveillance inconditionnels. Laissons-nous imprégner entièrement par cet amour qui ne veut rien d’autre que le bien de cet enfant. Demeurons quelques instants dans la pleine conscience de cet amour, sans autre forme de pensée.
Étendre notre méditation
Étendons ensuite ces pensées bienveillantes à ceux que nous connaissons moins. Eux aussi souhaitent être heureux, même s’ils sont parfois maladroits dans leurs tentatives d’échapper à la souffrance. Allons plus loin ; incluons dans cette bienveillance ceux qui nous ont fait du tort, et ceux qui nuisent à l’humanité en général. Cela ne signifie pas que nous leur souhaitons de réussir dans leurs entreprises malveillantes ; nous formons simplement le vœu qu’ils abandonnent leur haine, leur avidité, leur cruauté ou leur indifférence, et qu’ils deviennent bienveillants, soucieux du bien d’autrui. Portons sur eux le regard d’un médecin sur ses patients les plus gravement atteints. Enfin, embrassons la totalité des êtres sensibles dans un sentiment d’amour illimité.
La compassion
La compassion est la forme que prend l’amour altruiste lorsqu’il est confronté à la souffrance de l’autre. Pour cela, il faut se sentir concerné par le sort de l’autre, prendre conscience de sa souffrance, souhaiter qu’il en soit guéri, et être prêt à agir en ce sens.
Pour engendrer la compassion, imaginons qu’un être cher est, une nuit, victime d’un accident de la route et gît blessé sur le bas-côté, en proie à d’atroces douleurs. Les secours tardent à arriver et nous ne savons que faire. Nous ressentons intensément la souffrance de cet être cher comme si c’était la nôtre, mêlée d’un sentiment d’angoisse et d’impuissance. Cette douleur nous atteint au plus profond de nous-mêmes, au point de devenir insupportable.
À ce moment-là, laissons-nous aller à un immense sentiment d’amour pour cette personne. Prenons-la doucement dans nos bras. Imaginons que des flots d’amour émanent de nous et se déversent sur elle. Visualisons que chaque atome de sa souffrance est maintenant remplacé par un atome d’amour. Souhaitons du fond du cœur qu’elle survive, qu’elle guérisse et cesse de souffrir.
Ensuite, étendons cette compassion chaleureuse à d’autres êtres qui nous sont chers, puis, peu à peu, à l’ensemble des êtres, en formant du fond du cœur ce souhait : « Puissent tous les êtres se libérer de la souffrance et des causes de leurs souffrances. »
La réjouissance, la célébration et la gratitude
Il y a en ce monde des êtres qui possèdent d’immenses qualités, d’autres qui comblent l’humanité de bienfaits et dont les entreprises sont couronnées de succès, d’autres qui, simplement, sont plus doués, plus heureux, ou réussissent mieux que nous. Réjouissons-nous sincèrement de leurs accomplissements, souhaitons que leurs qualités ne déclinent pas, mais au contraire perdurent et s’accroissent. Cette faculté de célébrer les meilleurs aspects d’autrui est un antidote à l’envie et à la jalousie, lesquelles reflètent une incapacité à se réjouir du bonheur d’autrui. C’est aussi un remède au découragement et à la vision sombre et désespérée du monde et des êtres. »
Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme
http://eveilphilosophie.canalblog.com/
Effets des asanas
- Les postures debout sont tonifiantes. Elles vivifient le corps et l’esprit, en supprimant tensions, maux et douleurs. Elles améliorent la circulation sanguine. Elles enseignent également les principes du mouvement juste.
- Les flexions avant sont apaisantes. Elles effacent la fatigue, détendent l’esprit et calment les nerfs. Elles favorisent l’intériorisation, et un sommeil réparateur.
- Les flexions arrière sont revitalisantes. Elles donnent courage et énergie. Elles ouvrent la cage thoracique et donnent de la souplesse à la colonne vertébrale. Elles rendent le corps et l’esprit alertes.
- Les torsions sont très efficaces pour soulager les maux de dos, de tête et les raideurs du cou et des épaules. La colonne gagne en souplesse, tandis que les reins et les organes abdominaux sont sollicités et stimulés. Elles améliorent aussi la vitalité et la chaleur interne.
- Les postures inversées redonnent de la vitalité. Elles soulagent les jambes, les libérant du poids du corps. Elles améliorent la circulation sanguine et stimulent le système glandulaire.

les yeux fermés
Pour une conversion authentique
Lors d’un discours prononcé il y a quelques années aux Nations Unies, S.N. Goenka, un maître en méditation très respecté, décédé en 2013, déclarait : « La religion n’est religion que lorsqu’elle unit. Elle n’est plus religion lorsqu’elle divise. » Au sujet de la « conversion », il expliqua : « Il a tant été dit à propos de la conversion, pour ou contre. Je suis en faveur de la conversion. Non pas de la conversion d’une religion organisée à une autre, mais de la conversion de la souffrance au bonheur, de l’asservissement à la libération, de la cruauté à la compassion. Tel est le genre de conversion dont nous avons besoin de nos jours.
Ainsi, une « conversion » authentique ne consiste pas à induire ou à forcer quelqu’un à changer de religion, mais à lui inspirer le désir d’entreprendre une transformation intérieure. Nous ne devons pas sous-estimer le pouvoir de transformation de l’esprit. Si, dans le cas d’une performance physique, on bute vite sur des limites infranchissables, l’esprit est beaucoup plus flexible. On ne voit guère pourquoi ni comment il pourrait y avoir, par exemple, une limite à l’amour et à la bonté. Nous ne sommes pas tous également doués pour cultiver ces qualités humaines, mais nous avons tous la capacité de progresser continuellement tout au long de notre vie, grâce à des efforts persistants, afin de devenir une meilleure personne et de contribuer à la réalisation d’un monde meilleur.
Matthieu Ricard
la méditation au quotidien
La pratique de la méditation
Introduction
Fixez votre mental sur quelque objet, soit à l’intérieur du corps, soit au dehors. Maintenez-l’y fermement pendant quelque temps. C’est de la concentration. Il vous faudra pratiquer cela tous les jours. Purifiez tout d’abord le mental par l’observance d’une conduite droite, et livrez-vous ensuite à la concentration ; celle-ci, sans cela, ne servirait de rien.
Il y a des occultistes qui font de la concentration alors que leur valeur morale laisse à désirer ; c’est pourquoi ils ne font aucun progrès spirituel.
Celui qui a une posture stable, qui a purifié ses nerfs et son enveloppe vitale en pratiquant constamment la maîtrise de la respiration, sera capable de se concentrer aisément. La concentration sera d’autant plus intense que vous aurez écarté toute distraction. Quelqu’un de vraiment chaste, ayant préservé son énergie, jouira d’une admirable concentration.
Certains aspirants impatients et sots se lancent d’emblée dans la concentration sans s’être préalablement soumis à un entraînement éthique. C’est une grave bévue. La perfection morale est un élément de suprême importance.
Vous pouvez vous concentrer intérieurement sur l’un quelconque des sept centres d’énergie spirituelle. L’attention joue un rôle prépondérant ; celui qui a développé ses pouvoirs d’attention aura une bonne concentration. L’homme rempli de passions et de désirs fantasques ne peut que difficilement se concentrer sur un sujet quelconque, fût-ce une seule seconde. Son mental bondit constamment comme un vieux singe.
L’homme de science, qui concentre son esprit et fait des inventions, perce les couches grossières du mental et, par la concentration, pénètre profondément dans les régions supérieures où il acquiert une science nouvelle. Il concentre en un seul foyer toutes ses énergies mentales qu’il projette sur les matières soumises à son analyse, et leur arrache leurs secrets.
Celui qui a développé sa force d’abstraction, qui consiste à retirer les sens de leurs objets, aura une bonne concentration.
Il vous faudra marcher pas à pas sur le sentier de la spiritualité. Posez d’abord les fondations d’une conduite droite, de la posture, de la régularisation du souffle et de l’abstraction. La superstructure (concentration et méditation) ne sera solide qu’à ce prix.
Vous devriez être à même de projeter à l’extérieur l’image, même absente, de l’objet de la concentration ; il vous faudra, à tout moment, évoquer cette image mentale ; cela peut se faire sans grande difficulté si vous avez une bonne concentration.
Au stade préliminaire de votre pratique vous pouvez vous concentrer sur le tic-tac d’une montre ou sur la flamme d’une bougie, ou encore sur tout autre objet agréable au mental. C’est la concentration concrète. Il n’y a pas concentration sans un objet sur quoi peut se poser le mental. Il faut que cet objet, au début, soit plaisant, car il est très difficile de maintenir la pensée sur quelque chose de désagréable.
Ceux qui pratiquent la concentration évoluent rapidement. Ils peuvent se livrer à tous travaux avec compétence et efficacité. Ce que d’autres font ou lisent en six heures, leur prendra une demi-heure. La concentration purifie et calme les émotions qui surgissent, fortifie le courant des pensées et clarifie les idées.
La concentration aide également l’homme dans son progrès matériel. Il aura un bon rendement à son bureau ou dans son entreprise. Ce qui, auparavant, était nébuleux devient clair et précis ; ce qui était difficile devient simple et ce qui, précédemment, paraissait complexe, étrange ou confus tombe facilement sous la prise du mental.
Vous pouvez parvenir à tout par la concentration ; à celui qui la pratique régulièrement rien n’est impossible ; il est en possession d’une claire vision mentale. Mais cela est difficile à qui a faim, ou à qui souffre d’une maladie aiguë.
La méditation est l’unique voie royale conduisant au salut, à la libération (moksha). Elle calme toute peine, toute souffrance, les trois espèces de fièvres (tapas) et les cinq sortes de chagrins (kleshas). La méditation confère la vision de l’unité et procure la notion de l’unicité. C’est un aéroplane qui permet à l’aspirant de prendre son essor vers le royaume de l’éternelle félicité, de la perdurable paix. Elle est l’échelle mystérieuse qui relie la terre au ciel et élève l’aspirant jusqu’à l’immortelle demeure de Brahman.
La méditation est l’écoulement continu de la pensée de Dieu ou de l’Atman, comme le filet d’huile coulant d’un vase dans un autre (taila-dhârâvat). Elle vient après la concentration.
Pratiquez la méditation aux premières heures du jour, de quatre heures à six heures du matin (brahma-muhûrta) ; c’est le meilleur moment pour cela.
Prenez une des postures recommandées (padma, siddha, ou sukha-âsana). Maintenez la tête, la nuque et le tronc en une ligne droite ; concentrez-vous sur l’espace entre les deux sourcils (trikûta) ou dans le cœur, les yeux étant fermés.
La méditation est de deux espèces : la méditation concrète (saguna dhyâna) et la méditation abstraite (nirguna dhyâna). Dans la première, l’aspirant médite sur la forme du Seigneur Krishna, de Râma, de Sîtâ, de Vishnou, de Shiva, de Gâyatrî ou de Devî. Dans l’autre, il médite sur son propre Moi, ou Atman.
Placez devant vous l’image de Hari (un des noms de Vishnou) avec ses quatre bras. Regardez-la fixement pendant cinq minutes, puis fermez les yeux et faites apparaître visuellement cette image. En même temps, dirigez votre mental sur les diverses parties de Vishnou. Voyez mentalement d’abord ses pieds, puis, dans l’ordre, ses jambes, son vêtement de soie jaune, son collier serti de gemmes (kaushtubha), sa boucle d’oreille (makara-kundala), ensuite son visage, sa tête couronnée, son disque (chakra) dans la main droite supérieure, sa conque (shankha) dans la main gauche supérieure, sa masse dans la main droite inférieure, puis le lotus dans sa main gauche inférieure. Revenez ensuite aux pieds et
recommencez à mainte reprise le même processus.
Finalement, fixez votre mental soit aux pieds soit au visage. Répétez mentalement le mantra : Hari OM, ou bien : OM Namo Nârâyana. Pensez aux attributs du Seigneur, tels qu’omnipotence, omniprésence, pureté, etc.
Méditez de tout votre cœur sur OM et sur sa signification. Cela se nomme « nirguna dhyâna ». Répétez OM mentalement. Identifiez-vous avec l’Atman. Éprouvez : « Je suis l’immortel et omnipénétrant Moi, ou Atman. Je suis Brahman, « Sat-Chit-Ananda » (pure existence, pure connaissance, pure béatitude). Je suis le silencieux témoin (sâkshin) des trois états et de toutes les modifications du mental. Je suis conscience pure ; je suis différent du corps, du mental, de l’énergie (prâna) et des sens. Je suis la Lumière des lumières, brillant par elle-même. Je suis la suprême Ame éternelle. »
Si vous ressentez de la satisfaction, de l’optimisme, de la patience, un apaisement mental ; si vous avez la voix adoucie, le corps léger ; si vous êtes sans crainte, ni désir, sans goût pour les choses de ce monde, pensez que vous faites des progrès dans le sentier spirituel et que vous vous approchez de Dieu.
O Prema ! II est un lieu où tu n’entendras aucun son où tu ne verras nulle couleur. Ce lieu s’appelle « séjour hors de toute peine » (parama dama, ou padam annamaya). C’est le royaume de la paix et de la félicité. Là, point de conscience physique ; le mental y trouve le repos. Tous les désirs, toutes les aspirations s’évanouissent. Les organes des sens (indriyas) restent tranquilles ; l’intellect cesse de fonctionner : plus de combats ni de querelles. Veux-tu rechercher cet asile paisible au moyen de la méditation silencieuse ? Un calme solennel y règne. Les grands sages (rishis) d’autrefois atteignirent ce lieu en fondant leur mental dans le silence. Brahman y brille de son propre rayonnement.
Oubliez le corps ; oubliez l’entourage. L’oubli est la plus haute des disciplines spirituelles (sâdhanâ). Il aide grandement à méditer ; il facilite l’approche de Dieu. Pensant à Dieu, vous oublierez toute chose.
Goûtez à l’état de conscience spirituelle en retirant votre mental des objets sensibles et en le fixant aux pieds de lotus du Seigneur, de ce Seigneur qui brille sans cesse dans le réduit de votre cœur. Plongez-vous y par la pratique d’une profonde et silencieuse méditation. Plongez à fond et nagez librement dans l’océan de « sat-chit-ânanda ».
Flottez sur le fleuve de la Joie divine. Puisez à la source. Dirigez-vous tout droit vers la fontaine de la Conscience divine et buvez-en le nectar. Éprouvez le frisson de l’Embrassement divin, de la divine Extase. Je dois vous quitter ici. Vous êtes parvenu à l’état d’immortalité, où meurt toute crainte.
O Prema ! sois sans peur. Brille, maintenant. Ta lumière est venue !
Pratiquez régulièrement et systématiquement la méditation, aux mêmes heures de la journée. Vous créerez facilement en vous l’état d’esprit qui convient.
Plus vous méditerez et plus vous jouirez d’une intense vie intérieure spirituelle, où les sens ni le mental ne joueront. Vous serez tout près de la source de l’Atman. Vous savourerez le flot de félicité et de paix.
Les objets des sens n’auront plus d’attraits, alors, pour vous. Le monde vous apparaîtra comme un long rêve. L’aube de la vraie connaissance (jnâna) luira en vous par une constante et profonde méditation. Vous serez pleinement illuminé. Le rideau de l’ignorance tombera, les voiles se déchireront ; l’idée de corps s’évanouira. Vous comprendrez le sens de la grande formule sacrée (mahâvâkya) : « TAT TVAM ASI » (cela tu L’es aussi).
Toutes les différences, distinctions et qualités disparaîtront. Vous ne verrez partout que l’unique et infini Atman, plein de béatitude, de lumière et de connaissance. Ce sera, en vérité, une expérience rare. N’en soyez pas effrayé comme le fut Arjuna ; soyez impavide. Vous serez alors laissé à vous-même, plus rien ne restant à voir ou à entendre. Les sens sont abolis, tout n’est plus que pure conscience.
Tu es l’Atman, ô Prema ! Tu n’es pas ce corps périssable. Détruis tes illusions (moha) au sujet de ce corps impur. Ne dis plus à l’avenir « mon corps », mais plutôt « cet instrument ». Voilà que le soleil se couche dans un rayonnement ; prends place pour la méditation. Plonge de nouveau dans le confluent, Triveni, de l’Atman.
Rassemble tous les rayons de ton mental et pénètre dans les plus intimes asiles de ton cœur. Abandonne toute crainte, tout souci, tout chagrin, toute angoisse. Repose dans l’océan silencieux et jouis de l’éternelle paix. Tu n’es plus une âme enchaînée à un corps ; toute limitation est abolie ; et si les vieux désirs, les vieilles exigences essayent de faire entendre leurs sifflements, détruis-les par la trique du discernement (viveka) et par l’épée du renoncement (vairâgya).
Que ces deux armes soient toujours avec toi aussi longtemps que tu n’es pas parvenu à la fixité dans le Brahman (Brahma-sthiti), entièrement établi dans l’Atman.
OM est Sat-Chit-Ananda, OM est l’Infini, l’Éternel
Chante OM, sens OM, fredonne OM, vis dans OM
Médite sur OM, crie OM OM OM
Entends OM, goûte OM, vois OM
Mange OM, bois OM
OM est ton nom
Que OM te guide
OM OM OM
OM Shantih
Le jour où j’ai décéléré
Pourquoi ralentir ? Et, surtout, comment ? Habituée à vivre vite, notre journaliste a tenté l’expérience. Et a découvert, à sa grande surprise, les bienfaits de la décélération. Confessions d’une ex-femme pressée.
Au bureau, ma chef m’appelle Lucky Luke, et ce n’est pas pour mes paires de bottes ou mes gros ceinturons. J’ai toujours tenté de dégainer plus vite que mon ombre, je n’y peux rien, je suis née pressée. Enfant, je voulais être adulte. Comme tous les enfants, bien sûr. Mais un peu plus, sans doute. À 2 ans, je me levais tôt pour préparer mon petit déjeuner seule, raconte-t-on en famille : « Toujours tout fait plus vite, plus tôt que tout le monde. » Qui préférerait s’entendre dire qu’il a toujours tout fait plus lentement, plus tard que les autres ? La vitesse parle de précocité, d’autonomie puis d’efficacité, de rentabilité… Elle soulage les parents, satisfait les employeurs, arrange les amis qui n’ont jamais à attendre aux rendez- vous. Aussi n’est-ce pas sans une pointe de fierté que j’admets être du genre rapide. Pour moi, être en avance, c’est être à l’heure et, être à l’heure, c’est déjà être en retard. « Avez-vous une idée du retard que vous cherchez à rattraper ? » me demande un jour une psychanalyste. « Retard » ne m’évoque rien d’autre que le lapin d’Alice au pays des merveilles. Toujours pressé. Évidemment, il a rendez-vous chez la reine : cela vous met plus d’un lapin en état d’urgence. Quant à ce verbe, « rattraper »… Il n’y a guère qu’un écart qu’il me soit impossible de rattraper : les huit années qui me séparent de ma soeur aînée et admirée… Un de ces moments magiques de l’analyse où, soudain, le plafond se fendille et laisse apparaître une évidence. Viennent également sur le tapis de son cabinet mon inquiétude à l’idée de « rater quelque chose », la sensation insupportable de rester sur mes acquis, de voir le monde avancer tandis que je stagnerais, de « prendre racine », consciente qu’il y a là bien des angoisses à apaiser.

Je ne veux renoncer à rien
Mais je n’ai pas que cela à faire. Allongée sur ce divan durant quarante-cinq minutes, en pleine journée, ce n’est pas la position que je préfère. Enfant, j’ai vu mes parents constamment debout ou à table. Eux-mêmes n’ont jamais vu leurs parents vivre autrement qu’en pleine action. « Il y a toujours quelque chose à faire », répétait ma grand-mère, et « Ne flânent que les bons à rien ». Dotée de cet héritage, je suis en effervescence dans Paris, ce « refuge pour les infirmes du temps présent » (inL’homme pressé, de Paul Morand – Gallimard 1990), et dans cette époque, qui a fait de l’urgence un mode de vie. Dans une société qui confond vitesse et précipitation, les plus lents et les moins réactifs sont suspectés de freiner la marche du progrès. « Derrière le mythe de l’urgence, il y a la garantie du dépassement, de l’extrême limite, de l’excellence, de la performance, et pour ainsi dire de l’héroïsme », remarque la sociologue et psychologue Nicole Aubert.
Alors j’accélère, et joyeusement. Un sentiment de puissance m’étreint : je tiens mon temps par les rênes, je le dompte et le maîtrise. Pour un peu, je pourrais le compresser, l’écraser… le tuer. Pierre Niox, l’« homme pressé » de l’écrivain Paul Morand, se plaignait de ne pouvoir faire qu’une seule chose à la fois, « ce qui nous retarde tellement ». C’était dans les années 1940. Moi, j’ai mon téléphone portable, mon ordinateur, mes messageries…, technologie mise au service de mes fantasmes de démultiplication. Me voici dans la peau d’une sorte de Vishnou spatio-temporelle, capable de réaliser de multiples tâches dans l’instantanéité, ou presque, de mes désirs. Pouvoir tout faire, ne renoncer à rien, jouir du maximum : je ne doute pas que des fantasmes de toute-puissance sous-tendent mes pics d’accélération. « Je vais vite, très vite / J’suis une comète humaine universelle / Je traverse le temps », chantait, il y a quinze ans, avec Noir Désir, une génération (la mienne !) insolente d’aspirations. Cet Homme pressé (sur l’album 666,667 de Noir Désir) est devenu l’hymne de l’individu moderne dans toute sa prétention à profiter de l’existence à la puissance mille. Pourtant, comment profiter de quoi que ce soit, à ce rythme ?

Je fais l’expérience de la paix
« Si tu ne trouves pas le calme, ici et maintenant, tu le trouveras où et tu le trouveras quand ? » La phrase a sur moi l’effet d’un électrochoc. Assise en tailleur sur un zafu, un coussin de méditation, face à un mur blanc, comme la vingtaine d’autres personnes venue participer à cette sesshin ( Retraite de méditation intensive, suivie, en l’occurrence, au Centre Dürckheim, à Mirmande – Drôme, dirigé par le maître zen Jacques Castermane) , je viens de prendre un coup dans le ventre. Je la connais cette citation de maître Dôgen, moine bouddhiste japonais. Mais, ici, dans le silence du dojo, et prononcée comme une douce évidence par Jacques Castermane, maître zen, elle me fait monter les larmes aux yeux. Cette notion de calme, soudain… Oui, c’est bien cela, en effet, que je cherche à atteindre dans l’urgence. Le calme. Cet état tant espéré, attendu, sans cesse reporté à « après » : « une fois ce dossier bouclé », « une fois les enfants couchés », « une fois en week-end »… La phrase de Dôgen m’émeut par la brutalité avec laquelle elle me révèle combien je fais fausse route : il n’y a rien à « faire » de particulier pour trouver le calme. Rien. « La vie, poursuit Jacques Castermane, ne commence pas après la vaisselle ou après le balayage : savoure chaque instant que tu vis. » Et cette saveur exige inévitablement de la lenteur. Ralentir, c’est ressentir. Vivre le présent dans toute sa capacité à nous rassasier de calme. « Zazen, c’est la rupture. Rupture avec notre quotidien, nos habitudes. C’est, de fait, l’occasion de se regarder être. Et de constater que, le plus souvent, nous n’agissons pas, nous réagissons : réactions mentales, émotionnelles, physiques…
Zazen, c’est la voie de l’action. » « Action » : ce mot que je fais habituellement rimer avec précipitation et multiplication d’expériences se résume ici à ce que vit mon corps dans l’immobilité. Cela me paraîtrait fou si je n’étais pas en train de le ressentir à travers ma respiration et mon léger balancement qu’elle provoque naturellement. Les pensées m’assaillent, envie de bouger, des fourmis dans les pieds… « L’ego n’aime pas cette rupture avec son fonctionnement habituel. Alors il intervient : les pensées, de nouveau, nous habitent, inutiles. Pour arrêter leur flux, il nous faut retrouver l’attention à la respiration. » Et, sans cesse, « tout reprendre à zéro ». L’expression me rassure : elle me rappelle qu’il est toujours possible de revenir au calme. Entre deux séances de vingt-cinq minutes de zazen, cinq minutes de kin-in : l’expérience est la même, mais se vit debout, en marchant lentement. Très lentement. Dans une lenteur que je ne mesure plus, je tente de me laisser porter par le balancement d’un pied sur l’autre, doucement, je sens que chaque jambe travaille intensément, hanches, fesses… Coureuse de fond, j’apprends à marcher. « Zazen est terminé, l’exercice continue », invite Jacques Castermane. À l’extérieur du dojo, en préparant le repas, en dressant la table, en balayant la cour, je m’efforce de rester dans cette pleine conscience, attention précise à chaque action – qui, de fait, est lenteur.
Étonnamment, cela ne me demande aucun effort : je n’ai pas la sensation de me contraindre à ralentir, mais de suivre un rythme interne qui tombe juste. Mon rythme. Je me sens bien. Après quatre jours au Centre Dürckheim, je ne suis plus moi. Ou, plutôt, j’ai l’impression d’être moi comme jamais. D’avoir été remise à l’endroit, de marcher vraiment, de respirer vraiment. Quelque chose comme un retour à l’essentiel qui rend impensable toute nouvelle fuite en avant. J’existe, j’en suis consciente, cette action en soi me suffit pour ne pas ressentir le besoin d’en accumuler dix en même temps. Mais, ce que je peux ici, dans l’atmosphère paisible et bienveillante du centre, est-ce que je le pourrai chez moi, à Paris, dans ma vie rythmée par les impératifs, les délais et par les agitations de la foule stressée ? J’en doute sérieusement.

Et j’ai raison. De retour dans mon quotidien, je me sens tortue dans un monde de lièvres. Non pas trop lente, mais trop tranquille. Cependant, comme la tortue de la fable, je continue à mon rythme, en toute quiétude. Et dois bien constater que j’arrive à temps, boucle mon travail dans les délais, fait ce que j’ai à faire : La Fontaine avait vu juste. Sinon qu’il ne suffit pas de partir à point pour tenir à son rythme dans un monde en accéléré : il faut accepter de choisir. Renoncer. Au travail, savoir déléguer et « procrastiner » : ce n’est pas parce qu’un dossier n’est pas traité dans la minute qu’il va m’exploser à la figure…
Dans la vie privée, sortir moins et s’asseoir plus. Un travail de révision des priorités s’impose, une sélection des désirs devient indispensable. L’heure est aux renoncements nécessaires. Tout cela, je le savais, au fond, j’en connaissais la nécessité. Mais, grâce à cette « voie de l’action », désormais, je le ressens. Cela ne passe plus par la tête, mais par le corps, et la nuance est radicale. Par un retour sur le ressenti et sur la respiration, tous ces choix, à ma grande surprise, se font presque d’eux-mêmes. Souvent, la tentation du « toujours plus » me reprend. Ma cadence s’accélère pour se caler sur celles des autres et, bientôt, pour tenter de les dépasser. La différence, c’est qu’à présent je m’en rends compte. Et je sais qu’il ne tient qu’à moi de retrouver mon rythme. Ralentir. Bien faire ce pas. Puis ce pas. Tout reprendre à zéro. Ne pas me dépêcher de faire la cuisine pour passer rapidement à table, pour aller me coucher tôt… Non : aimer préparer le repas, vivre chaque geste, savourer. La lenteur est sensuelle, rappelle Milan Kundera. Sur le chemin de l’école, ne plus dire à ma fille : « Vite, dépêche- toi, on va être en retard. » Non, vivre ce moment avec elle. Quitte à partir plus tôt pour pouvoir oublier l’heure. Et relire Montaigne : « Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; voire et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelque partie du temps, quelque autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude, et à moi. » Et à nous. À ce qui est là. La sensation d’urgence cède tout naturellement la place au plaisir.
Mais, à cette volupté, se substitue encore souvent la jouissance de l’urgence. Je me remets à penser qu’il y a trop à lire, à voir, à entendre, à apprendre pour se permettre la lenteur. De nouveau, je doute : ralentir ? Pour quoi faire ? « Posez-vous la question, suggère Jacques Castermane : “Suis-je né pour aller vite ? Pour me lever vite, me doucher vite, déjeuner vite, partir vite au travail ? Et pourquoi finalement ? Pour arriver vite au cimetière ?” À vous de voir. »
Le joli mois de février

Chaque année quand revient Février, je m’émerveille.
J’aime Février.
D’abord parce que c’est le mois de mon anniversaire.
Mais pas seulement…
Février est un pince sans rires.
Il fait le fier, le froid, l’hivernal mais il cache son jeu. En secret il nous prépare une saison nouvelle, une résurrection.
J’aime sentir ce qui frémit en catimini, qui se prépare secrétement, qui couve sous la terre encore gelée ou sous la neige, tout ce qui se trame en sourdine et qui nous promet l’eveil du printemps dans quelques semaines. Les coulisses de la nature bruissent de milles et unes préparations mystérieuses….. qui éclateront bientôt de vert, de lumière et de soleil.
Comme les forces de vie et de guérison en nous. Elles avancent parfois masquées, elles semblent si ténues, et pourtant elles sont toujours là, pretes à se mobiliser, à nous élever, à nous porter, à nous régenerer. Si nous écoutons le rythme, si nous acceptons l’hiver, la jachère, la terre nue, le froid , la maladie pour ce qu’ils sont, alors nous nous ouvrons à la possibilité du renouveau . Nous découvrons que sous le manteau glacé pointent déja de petites pousses vivaces . C ’est alors que la maladie peut nous conduire à plus de santé, que la dépression ouvre le chemin de la serenité, que les épreuves de vie nous emmenent vers la partie la plus elevée de nous mêmes.
Bon mois de février à tous,